Adresse aux élu.e.s locaux Foncier Innovant

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La CGT Finances Publiques souhaite attirer votre attention sur le projet Foncier Innovant en cours, et plus généralement sur l’avenir des missions cadastrales au sein de la DGFIP.

Ce projet, financé en partie par le Fonds pour la Transformation de l’Action Publique, vise la « valorisation des données foncières par recours à l’Intelligence Artificielle et au datamining, et l’automatisation de la mise à jour du plan cadastral ».
Il est conduit et développé par la DGFIP accompagnée de deux prestataires externes : CAPGEMINI et GOOGLE.

Nous vous alertons sur les points suivants :

 Le coût total initial était de 24 M €, dont 12 M € financés au titre du FTAP.

La DGFIP ne faisant preuve d’aucune transparence sur ce projet, selon nos informations non officielles le coût actuel serait revu à la hausse. En effet, la prestation de CAPGEMINI n’étant de toute évidence pas suffisamment efficace, nous avons appris que la DGFIP a fait appel à de nouveaux prestataires supplémentaires, comme NamR, spécialiste en production de données géolocalisées.

Il est clair que notre administration s’entête à vouloir valider un projet dont les premiers résultats sont loin d’être satisfaisants, et ce dans les plus brefs délais.

Nous orientons-nous vers un nouveau fiasco, comme celui du logiciel Scribe pour la Police nationale (dont le prestataire était déjà CAPGEMINI) ?

L’omniprésence des cabinets de conseil dans de multiples missions de l’État est à souligner. Nous sommes en droit de nous interroger sur de possibles conflits d’intérêts quand la DITP, chargée de l’attribution des missions de conseil aux cabinets privés, porte en son sein un ancien cadre de CAPGEMINI, alors que ce cabinet est son principal prestataire.

 Le but de la DGFIP est de valider ce projet rapidement et « quoi qu’il en coûte ».

Un des objectifs du Foncier Innovant est une mise à jour automatique du plan cadastral par l’algorithme d’après les toitures détectées sur les photographies aériennes de l’IGN. Il est clair que la qualité du résultat n’est pas une priorité, en attestent les essais en cours. Les tests opérés par la DGFIP produisent un dessin digne d’un enfant de 5 ans, en faisant fi de tous les principes de précision jusqu’alors respectés. Mais ceci n’a pas l’air d’émouvoir notre direction qui est prête à s’en contenter, et donc à sacrifier des décennies de travail rigoureux.

Jusqu’à présent, le plan cadastral est mis à jour par des relevés topographiques effectués par les géomètres du Cadastre. Depuis la création du cadastre napoléonien et durant 2 siècles, il a toujours fait l’objet d’améliorations tant dans sa
représentation que dans sa précision. L’arrivée de technologies successives a permis une plus grande fiabilité, pour en faire un bien commun incontournable pour de multiples utilisateurs de SIG (Système Info Géographique) (entreprises, services publics, collectivités, géomètres-experts, notaires…).

Soyons lucides, ce projet n’a pour seul but que l’automatisation permettant une réduction d’effectifs déjà chiffrée dans le contrat de transformation conclu le 14 octobre 2019.

 L’absence d’information et de concertation avec les OS est de mise sur ce dossier depuis le début : omerta sur l’intervention de GOOGLE et sur la protection des données, sous-traitance cachée d’une partie des opérations réalisée à Madagascar, refus de communiquer sur la progression de l’IA, opacité sur le coût actualisé du projet et sur le devenir des géomètres du Cadastre…

 L’impact pour les collectivités locales est loin d’être négligeable.

Le géomètre du Cadastre, interlocuteur incontournable des communes en matière de taxe foncière, a une connaissance du territoire communal grâce à ses sorties fréquentes sur le terrain. Son expertise est précieuse pour les mairies tout au long de l’année et lors des Commissions Communales des Impôts Directs. Il contribue fortement à la détection de travaux illégaux ou non conformes, et au recensement des insuffisances d’imposition.

Un plan mis à jour de façon automatique engendrera, pour les communes, une perte d’expertise de la DGFIP.

Quant à la fiabilité des bases de la fiscalité directe locale arguée par la DGFIP, les maires doivent être conscients que jamais une photographie aérienne ne donnera autant d’informations qu’un géomètre sur la matière imposable. Comment s’assurer, à la seule vue de toitures, de la nature d’un bâtiment, de son affectation, du nombre de niveaux, de sa surface précise ? Les valeurs locatives seront parfois définies « à la louche ». L’IA (Intelligence Artificielle) doit rester un outil complémentaire de travail, mais ne doit pas se substituer à une réelle présence sur le terrain.

 Le démantèlement et la dégradation des Services des Finances Publiques s’accélèrent.

Le Foncier Innovant s’inscrit dans une démarche plus large au sein de la DGFIP : le « tout numérique » et la réduction des effectifs. Vous avez déjà sûrement constaté que le Nouveau Réseau de Proximité, processus de réorganisation des services de la DGFIP, a consisté à fermer de nombreux services sur l’ensemble du territoire. La « proximité » tant vantée par l’exécutif est donc souvent assurée aux frais des collectivités locales via les Maisons France Service sans que la DGFIP, dans de nombreux départements, n’y assure pour autant de réelle permanence.

L’avenir proche des usagers dans la relation avec notre administration se résumera à un site internet et des plateformes téléphoniques, sans prise en compte de la fracture numérique et de l’accompagnement des contribuables en difficulté
(administrative et/ou sociale).

C’est pourquoi nous vous sollicitons, en espérant qu’en tant qu’élus vous vous empariez de ce dossier.

Il est urgent de demander des comptes sur le coût de ce projet et les résultats d’une telle dépense.

Dans un cadre plus général, votre positionnement nous paraît indispensable sur la qualité du Service Public que vous souhaitez pour les citoyens.

Pour la CGT Financ es Publiques, l’Intelligence Artificielle doit être au service de l’humain, et non pas un outil de réduction des effectifs pour un résultat de moindre qualité. Nous ne sommes pas opposés au progrès
technologique, mais le gain humain qu’il apporte doit alors permettre de compenser les suppressions d’emplois (−30 % en 20 ans) qui asphyxient notre administration depuis de nombreuses années.

Nous nous tenons à votre disposition pour vous apporter tout complément d’information, et vous invitons à nous contacter par réponse à ce message si vous souhaitez nous rencontrer.