GT du 14 janvier 2022 : Portail commun du Recouvrement

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Un GT bidon pour un vrai projet destructeur : Une nouvelle étape vers l’unification fiscale-sociale avec le portail commun du recouvrement

Depuis la parution de rapport Gardette (juillet 2019), faisant suite aux préconisations du rapport CAP 2022 (dont un des objectifs est de simplifier drastiquement le système de recouvrement, en réduisant le nombre de dispositifs et de structures qui en ont la charge), la CGT Finances Publiques n’a cessé de dénoncer la volonté du gouvernement d’unifier le recouvrement des créances fiscales et sociales.

Assurer les recettes fiscales de l’État implique des structures de recouvrement ad hoc efficaces correspondant aux missions à réaliser. Cela rentre en totale contradiction avec la mise en place progressive de l’unification du recouvrement des impôts et des cotisations sociales. L’intégration fiscale et sociale mettra d’une part fin à la cohérence de la chaîne comptable de la DGFIP, et d’autre part engagera la remise en cause de l’indépendance de la sécurité sociale vis-à-vis de l’État. Les conséquences vont donc bien au-delà de la DGFIP.

À chaque réunion concernant le recouvrement nous en avons débattu avec vous, avons dénoncé votre projet et vous nous assuriez qu’une telle unification était encore dans les limbes d’une hypothétique préparation. Il n’en est rien.

Vous mettez en œuvre coûte que coûte le rapport Gardette, dont les étapes sont :

- Unification au sein de chaque sphère, permettant de polariser le recouvrement social autour de l’ACOSS et le recouvrement fiscal autour de la DGFIP.

- Développement de synergies par la réalisation d’un portail commun ;

- Mise en commun de moyens, notamment en vue d’exercer le recouvrement forcé.

Le rapport Gardette considérait que cela ne nécessitait pas en préalable la fusion organique entre les réseaux de recouvrement existants, en raison d’organisations et de procédures très différentes entre la DGFIP et les URSSAF. Les deux administrations s’attachent donc à harmoniser les procédures de recouvrement forcé.

Sont aussi effectués notamment des transferts de taxes vers la DGFIP, l’unification informatique, le rassemblement du recouvrement fiscal au sein des PRS et social au sein de l’ACOSS, des signatures de conventions DGFIP-URSSAF avec accueil commun.

Le rapport Gardette indiquait ensuite que le socle de procédures, une fois harmonisées, « pourrait constituer un point d’aboutissement ou la première étape d’une intégration fiscale et sociale plus poussée », c’est-à-dire vers une fusion cette fois-ci organique entre les deux réseaux de recouvrement.

Vous nous informez donc à travers ce GT de la mise en œuvre du second chantier préconisé par ce rapport, vers l’unification : le portail fiscal et social commun du recouvrement pour les professionnels, dénommé « Portailpro ».

L’objectif est la création d’un portail autonome destiné aux utilisateurs qui pourra proposer une diversité de service (vision unifiée sur les comptes fiscal, douanier et social, démarche en ligne, accompagnement de créateurs d’entreprises, compensation entre créances et dettes...). « Portailpro ne se substituera pas aux sites actuels des trois porteurs du projet » (Finances publiques, Douane, Urssaf)… Pour linstant ! À moins que la chasse aux doublons soit fermée ? Permettez-nous d’en douter.

On peut s’interroger sur l’intérêt de mettre en place si rapidement ce portail. En effet, lors du GT du 1er decembre 2021 vous abordiez la mise en œuvre d’une convention-type avec les URSSAF visant à développer des synergies entre les signataires (échanges d’informations, concertations préalables à l‘engagement d’actions en recouvrement forcé...). Un premier bilan de ces mesures devait être fait pour mi-février 2022 .

Par ailleurs, nous avons les plus grandes craintes sur votre ambition à détruire la DGFIP et unifier des missions fiscales et sociales, puisque cet accès unique ne se limitera pas au paiement, mais sera aussi ouvert aux principales démarches déclaratives.

Votre méthode reste inchangée : sous couvert de fausse simplification pour les usagers (un interlocuteur unique ne garantit pas la qualité des services et réponses correspondant à des missions différentes), vous ne raisonnez que sous couvert d’économies d’échelles, de suppressions d’emplois, de retrait des services publics de qualité.

Au-delà de la nature du chantier, aucune formation n’est proposée aux agents, uniquement des vidéo tutorielles, une foire aux questions et une balf dédiée (via un espace Ulysse dédié). Pourtant, ce seront les agents DGFIP qui devront répondre aux questions des contribuables pour les problèmes de connexion et d’authentification à travers un numéro d’assistance dédié.

Quant à la méthode « agile » appliquée au développement de Portailpro, très à la mode et pouvant être attractive dans certains domaines, sans rentrer dans un débat technique poussé, nous rappelons que le recouvrement est une mission tenue par des obligations procédurales et légales relativement strictes afin de protéger les contribuables et redevables, tout en sécurisant les actions de l’administration. Elle ne pourrait souffrir d’adaptabilités importantes et récurrentes au fil de l’eau. Les fonctionnalités doivent être solides et justes de façon maximale dès leurs mises en œuvre.

Pour conclure :

Certains voudraient nous faire croire que nous pourrions sortir grandit si la DGFIP récupérait l’ensemble du recouvrement social et fiscal. C’est une grossière erreur. La course au démantèlement des administrations ne s’arrêtera pas aux portes de la DGFIP, elle y est d’ailleurs déjà largement entrée. Les conditions seront réunies pour une prochaine constitution en entité propre au recouvrement inter-administrations par exemple sous forme d’agence, ou autre, à l’instar de ce qui a pu se passer dans d’autres secteurs.

Mais l’idée que l’URSSAF serait au final la tutrice de l’entité unifiée fiscal-social fait son chemin au sein même de cette administration. Notons que les agents de l’URSSAF auront accès aux applications DGFIP Patrim, FICOBA, FICOVIE, BNDP sous habilitations pilotées par l’URSSAF Caisse Nationale (convention DGFIP-URSSAF du 23 juin 2021). Privée d’un de ses piliers, l’avenir même de la DGFIP serait ainsi compromis. Fake news ?

Dans le cadre de ce GT, l’administration n’offre aucun espace de prise en compte de nos positions en tant que représentants des personnels. Le projet est ficelé, nous ne seront pas là pour vous aider à choisir la couleur de la ficelle.

La CGT Finances Publiques s’attachera à combattre avec constance ce funeste projet, et ne participera pas à ce GT factice.