GT du 8 novembre 2021 : Foncier Innovant - Compte rendu

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Après bien des demandes, la Direction générale nous a enfin conviés à un GT sur le Foncier Innovant. Étaient présents pour la CGT Finances Publiques Claire Sarrail (Géomètre), Thibaut Bavière (Géomètre) Stéphane Antony (SDNC), Philippe Laget (service foncier département expérimentateur), Frédéric Scalbert (Bureau National).

Dans sa déclaration liminaire, la CGT Finances Publiques a fermement exprimé son opposition au projet du Foncier Innovant qui n’est qu’un moyen de supprimer le travail des géomètres sur le terrain en faisant moins bien, ce qui semble largement se confirmer au vu des premiers résultats. Cette opposition a été aussi exprimée par l’ensemble des organisations syndicales participantes (Solidaires, FO, CFDT-CFTC, UNSA-CGC). L’administration, avec une mauvaise foi évidente, nous a répondu que nous étions contre l’innovation, que parler de gain de productivité n’était pas un gros mot, et que nous devrions être sensibles à l’égalité devant l’impôt. Nous nous sommes attachés pendant tout le GT à démontrer que nous n’étions pas contre l’innovation, ni même l’idée du projet comme outil de détection, mais que nous étions opposés à ce qu’elle remplace les agents des CDIF pour faire moins bien.

Concernant l’utilisation de Google, on nous a répondu que la société remplissait tous les critères de sécurité de la CNIL… Nous voilà rassurés ! Elle les remplissait aussi avant d’être condamnée. Visiblement embaucher comme sous-traitant un fraudeur notoire ne pose aucun problème éthique à la DGFiP… A force de vouloir utiliser des algorithmes pour tout, notre administration finit par avoir une moralité à géométrie variable.

Concernant l’emploi de sous-traitants malgaches, nous nous sommes heurtés à un mur de silence avec une volonté exprimée de ne pas répondre. Il nous a fallu insister plusieurs fois pour finalement avoir une réponse de M. Touvenin, chef de service GF : « quel est le problème qu’une entreprise fasse travailler dans d’autres pays ? ». Cette externalisation est donc reconnue par la DGFIP, et nous ne devrions pas leur reprocher de faire travailler des gens à l’étranger. Visiblement pour l’administration, détruire le service public en France et refuser d’utiliser ses agents compétents en ayant recours à des travailleurs de l’étranger, c’est de la philanthropie !

Le goût de la provocation de l’administration est même allé jusqu’à nous expliquer que le recours à un pays étranger n’était pas choquant, dès lors qu’il offrait des compétences spécifiques que nous n’avions pas : « les compétences n’étaient pas présentes au sein de la DGFIP […]
il faut aller chercher les compétences où elles se trouvent »… Plutôt que des compétences, le but était pour nous clairement d’aller chercher de la main d’œuvre à bas coût.

Concernant le projet en lui-même, il doit se dérouler en plusieurs phases sur deux axes : la détection tout d’abord, puis la retranscription.

La détection est déclinée en plusieurs phases :

— la détection des piscines ; celle-là est déjà en cours d’expérimentation et fonctionne plutôt bien selon l’administration. Nous sommes plus réservés sur le sujet : en effet on peut considérer qu’un taux de rejet de 35 % des détections après vérification humaine est loin d’être satisfaisant. De plus l’IA ne détecte pas tout. Mais visiblement l’administration a décidé de se satisfaire de peu en matière de cadastre.

— la détection des bâtis isolés, seconde phase avec tous les soucis que va poser le distinguo entre les bâtiments agricoles et les autres pour la taxation.

— la détection du bâti non isolé et des additions de construction ; là c’est encore plus vague dans les explications…

Si sur cette phase de détection la direction veut afficher sa confiance, elle a beaucoup de mal à la faire transparaître au regard des contre-arguments que nous avons exprimés tout au long de leurs explications : différence entre vue du ciel et vue du sol, impossibilité d’estimer le nombre de niveaux d’un bâtiment…

Pour eux cela va marcher et la détection va se faire, elle s’accompagnera systématiquement en cas de bâtiment non signalé à l’administration d’un courrier envoyé au contribuable pour lui demander de déclarer celui-ci, et en l’absence de réponse du contribuable d’une évaluation d’office.

La retranscription des détections sur le plan est la dernière phase voulue.

La CGT Finances Publiques a déclaré sa ferme opposition à une telle méthode qui ne respecte pas les exigences relatives aux classes de précision, et qui ignore le principe d’adaptation des levés au plan. Réponse de l’administration : s’il faut on adaptera les règles de mise à jour du plan à l’outil. En clair la précision n’est plus de mise.

Là encore il y a une grosse confiance de façade qui oublie soigneusement que pour le moment les tracés ne sont même pas droits et les bâtiments pas forcément sur la bonne parcelle. Le résultat est tellement mauvais que la DGFIP tente de développer un logiciel destiné à corriger les résultats de Capgemini…

Le travail du géomètre pour l’administration se limitera à aller vérifier sur le terrain lorsqu’il y aura un doute sur certains bâtiments, le reste devant se faire depuis le bureau à partir des photos annotées. Mais à l’heure actuelle la DGFIP est incapable de préciser la nature et la proportion de ces cas.

Concernant les missions des géomètres, la CGT Finances Publiques a rappelé les compétences en topographie qui différencient un géomètre d’un contrôleur terrain. De ce fait, il a été demandé de définir clairement les missions devant être confiées aux géomètres. La DGFIP s’est engagée à apporter une réponse écrite sur ce point pour l’ensemble des CDIF.

 

Les gains de productivité exprimés sont constitués en fait par la suppression de 300 emplois temps plein au sein des CDIF tous emplois confondus… Là encore quand on l’interroge sur le type « de produits » qu’elle compte supprimer l’administration est très évasive et se montre incapable de nous dire de manière concrète ce que seront les réelles améliorations au sein des services qui permettront de supprimer des emplois… Mais pour autant ils sont déjà chiffrés !

 

D’ailleurs, le GT nous a montré que l’administration de son propre aveu étant bien en peine de savoir ce qui se passait au sein des services fonciers d’une direction à une autre tant au niveau des effectifs en place que de la manière dont le travail était accompli.

Interrogé par la CGT Finances Publiques sur la création d’un GT interne sur les SDIF (services départementaux des impôts fonciers) rassemblant 10 départements, la DG ne répond pas, indique que ce n’est pas une priorité et qu’il n’y aura pas nécessairement une harmonisation. Aucune décision ne sera prise avant 2023. La CGT Finances Publiques a rappelé qu’elle souhaitait maintenir ou améliorer le maillage territorial et était donc opposée aux fusions de CDIF.

Ultime provocation de ce GT, l’administration nous a indiqué qu’elle ne comprenait pas comment on pouvait être contre une réforme qui allait permettre de créer des emplois lorsque le projet actuellement géré par CAPGEMINI serait réinternalisé. En effet cela devrait permettre d’aboutir à la création d’une quinzaine d’emploi d’informaticiens (contractuels).

Nous leur avons répondu qu’ils créent 15 emplois alors qu’ils en suppriment 300 et se demandent pourquoi nous sommes contre. Visiblement ils ont un problème de comptage…

Pour la CGT Finances Publiques, l’IA ne pourrait être au mieux qu’un outil de détection, mais cela ne peut se faire que dans un cadre précis où les emplois sont pourvus à hauteur des besoins et où les détections viennent compléter le travail de terrain. Pas dans une volonté de tout détruire et de faire moins bien en prétendant améliorer l’ensemble. La détection des piscines, si elle fonctionne à peu près, n’a que peu d’intérêt pour la fiscalité locale de nombreux départements. Et il y a une grosse différence entre détecter des carrés bleus sur une carte et l’ensemble des autres détections qui sont prévues et sur lesquelles la direction générale est incapable de fournir des réponses.