La rupture conventionnelle : de l’illusion du contrat... au départ contraint ? - 13

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La rupture conventionnelle. De l’illusion du contrat... au départ contraint ?

Elle a fait le buzz dés son annonce surtout chez les collègues proches de la retraite. Seulement voilà, ce n’est pas pour eux, ou plutôt ce n’est pas pour elles.

Perte d’intérêt de la mission exercée due à la transformation du processus de travail avec l’industrialisation des tâches monotâches, stress lié au surtravail pour cause d’effectifs insuffisants, lassitude générée par l’obligation de prolonger son activité à cause des annuités manquantes, possibilité de « coller » plus tôt à la retraite du conjoint… autant de raisons qui ont suscité un grand intérêt : je me lève, je signe la rupture conventionnelle et je me casse.

En effet, comment ne pas considérer que le malaise ressenti trouvait dans la rupture conventionnelle une opportunité, une projection hors d’un cadre où le sens du travail, de la reconnaissance des qualifications et la culture de service public sont battus en brèche par l’idéologie néo-libérale ?

Mais la rupture conventionnelle, non ce n’est pas fait pour ça.

Pour comprendre à qui elle s’adresse, il ne faut pas la dissocier de la loi 2019-828 sur la fonction publique, laquelle loi, pour faire court, vient pulvériser la fonction publique de carrière et son cadre d’emploi, liquide les commissions administratives paritaires de gestion individuelle de la carrière dans un cadre égalitaire (mutation et promotion), ouvre la porte au recrutement massif de contractuels en lieu et place de titulaires.
La CGT Finances publiques 13 s’est toujours refusée à dissocier les enjeux des droits et garanties de ceux de la casse de nos missions, de nos emplois, des restructurations.

Et c ’est cette approche qui nous permet de nommer la rupture conventionnelle.

D’abord un dispositif préexistait , celui de l’indemnité de départ volontaire : il a cessé d’exister dans son application au 30 juin 2020 au profit de la rupture conventionnelle, bien plus avantageuse car moins coûteuse pour l’Etat.

Cette dernière dans sa mise en œuvre donne tout pouvoir à l’administration, qu’il s’agisse de l’acceptation de la « rupture » que du montant de l’indemnité, lequel est, sur consigne du directeur général, ramené au plancher alors que les « attendus » laissent espérer une marge de négociation conséquente avec un montant plafond annoncé. (Cf. note RH1A du 18/06/2020). La négociation apparaît pour ce qu’elle est : celle de l’agneau avec le loup.

extrait note dgfip rupture conventionnelle

Voilà rappelée de la manière la plus cinglante la subordination du salarié dans le contrat de travail et l’imposture du contrat de gré à gré entre la travailleuse, le travailleur et son « patron » alors même que le fonctionnaire est censé être régi par les lois et les règlements, dans le statut !

Instiller ainsi des critères de gestion RH du privé dans les rapports sociaux au sein de la fonction publique, voilà une manière claire et limpide de situer l’agent face à l’administration : à l’administration le beefsteak, à l’agent la salade ou dit autrement, des miettes pour l’agent.e tandis que le "manager local" se voit attribuer de nouveaux pouvoirs de gestion.

D’autant que l’initiative de la rupture conventionnelle peut aussi venir de l’administration, laquelle pèsera de toute sa persuasion sur l’avenir professionnel de l’agent en lui faisant bien comprendre que l’issue est la porte de sortie « honorable ». Exagération ? Non.

Si aucune des deux parties ne peut imposer à l’autre la rupture conventionnelle, cette dernière est largement dévoyée dans le privé : vieilles et vieux salarié.es qui coûteraient trop cher ou encore salarié.es en souffrance au travail pour lesquels l’abus de faiblesse sera toujours difficile à prouver et qui sont, chacun, poussés vers la sortie avec le droit aux indemnités chômage…

La rupture conventionnelle apparaît dès lors, même à titre expérimental jusqu’en 2025, un outil redoutable contre les agents des Finances publiques, les fonctionnaires et les agents publics.

Au mieux, ceux qui pourront négocier un départ sur l’indemnité plafond seront certainement de hauts cadres de l’administration. Certainement, comme à l’accoutumée, des directives internes non publiques seront diffusées auprès des directeurs .

Pour tous les autres, nous avons là, avec le nouveau réseau de proximité, les fermetures annoncées de centaines de services ou de leurs transferts, une carte joker que pourra jouer l’administration contre le fonctionnaire « gaulois récalcitrant ».
Si ce dernier avait peur que le ciel lui tombe sur la tête, le plancher lui rappellera qu’il est au ras des pâquerettes.
Alors bien sûr, avec comme argument force de vente, l’idée de permettre une réorientation professionnelle, l’agent.e isolé.e n’aura de choix que de suivre la mission, parfois très loin au détriment de sa vie familiale et sociale ou de donner la priorité au toit qui l’héberge et au départ volontaire de l’administration pour rester auprès des siens.

Une fois de plus nous constatons qu’emplois, missions et statut, ça va ensemble. Combattre le démantèlement de nos services, le NRP, se battre pour consolider les droits et garanties des agents sont indissociables pour la CGT.

Colonne de droite publique: