Le fossoyeur qui voulait se faire passer pour une infirmière

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Discours du ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérard Darmanin, du 11 juillet 2018, devant l’encadrement supérieur de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), des douanes et de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP).

C’est avec un étonnement sans cesse renouvelé que l’on peut admirer la capacité de certains responsables politiques à nous prendre pour des … (nous ne ferons pas de mauvais jeux de mots comme d’autres sur les comptables de la DGFIP). En effet, dans cet exercice monsieur Darmanin est un expert : Rien de véritablement concret dans son discours du 11 juillet 2018 à Bercy, quasiment aucun chiffre, mais une leçon de chose pour nous expliquer que :

  • Nous travaillons aux finances dans une « citadelle » qu’il va attaquer (se croirait-il dans un film de cape et d’épée ?), tout en déclarant qu’il s’agit de l’ « administration la plus efficace de l’Etat ». Autant casser ce qui marche !
  • « Les gestionnaires » seront contraints aux restrictions budgétaires « via une logique de contractualisation », tout en abandonnant 400 millions d’euros en supprimant 25 petites taxes, après la « suppression intégrale d’impôts comme l’ISF ou la taxe d’habitation », tout en transférant à la Poste ou aux buralistes les paiements en numéraire. Et ce n’est pas l’annonce du développement des Maisons de Service au public qui consolidera la DGFIP, mais au contraire qui la fragilisera avec un risque réel de nouvelles externalisations de taches d’accueil, notamment vers la poste.

Monsieur Darmanin nous fait l’honneur de nous livrer « la vision ». Monsieur est trop bon. Mais il s’agit de SA vision, et nous n’avons pas besoin d’un gourou, mais bien d’emplois et de moyens pour réaliser l’ensemble de nos missions dans de bonnes conditions de travail. Mais de cela, de toute évidence, il n’a que faire.

Son premier souci serait de réussir le prélèvement à la source. Cela s’entend, mais le ministre va dans la surenchère en nous demandant d’y penser « tous les matins, à partir d’aujourd’hui ». Mais tous les matins, nombre d’agents partent au travail en se demandant d’abord comment ils vont réussir à faire correctement leur travail, faute d’effectifs. De toute évidence, cela ne le concerne pas.

Il ne semble pas être davantage dérangé par le risque de voir se développer de mauvaises pratiques chez les élus locaux, en remettant en cause la saine séparation entre ordonnateurs et comptables par le biais du compte financier unique et des agences comptables.

Monsieur Darmanin pourrait s’inscrire dans le mouvement DADA tant il se plaît à manier l’absurde en appelant, par exemple, à « un meilleur service public au plus proche des agents », tout en annonçant un plan massif de suppressions d’emplois, le développement des départs volontaires, tout en félicitant les cadres de Bercy pour leurs « fermetures de lieux de service public », puis de dénoncer les frais liés à l’immobilier de l’Etat.

Le remède miracle serait le tout internet et le télétravail. Mais tout le monde n’est pas égal face à une informatique qui remplacerait tout contact humain ; et le télétravail oblitère de fait le travail en équipe, la solidarité entre les salariés, tout en soulevant nombre de question en matière de temps de travail, d’hygiène et de sécurité au travail. La prudence et les garanties seraient donc de mise, mais non, le ministre s’emballe. Quant à son annonce de regroupement de services hors des grandes villes, cela reste obscur… sauf sa volonté de diminuer drastiquement le nombre global d’implantations.

Comme nous sommes une administration efficace, de ses propres dires, le ministre à une nouvelle idée pour tout casser : en finir avec les filières de recouvrement spécifiques de la DGFIP et de l’Urssaf en les fusionnant au sein d’une même agence ! La précédente fusion entre DGI et DGCP ayant accéléré les suppressions d’emplois et les coupes budgétaires, le but rechercher avec cette agence ne laisse aucun doute, sauf sur le devenir des statuts des collègues qui y travailleraient.

En matière de contrôle fiscal, le ministre semble découvrir la distinction entre contribuables de bonne foi et ceux de mauvaise foi. Et oui, on part de loin… car il y belle lurette que les agents les distinguent, par la pratique comme par les textes. Au final ce que cherche le gouvernement, c’est limiter l’action des organismes de contrôles (cf loi ESSOC).

Sa conclusion a le goût amer d’une provocation : « le service public… est la richesse de ceux qui n’en ont pas » ; dixit un ministre qui veut l’attaquer, payé rubis sur l’ongle, qui prône « l’efficience » (réduire les objectifs et réduire encore plus vite les moyens pour les atteindre), dixit un ministre aux ordres du président des riches. Alors ne les laissons pas faire, la lutte continue !