Lutter contre la fraude fiscale nécessite des moyens

Version imprimableversion PDF

Article paru dans la NVO le 8 juillet 2020

Tribune signée de : https://nvo.fr/tribune/lutter-contre-la-fraude-fiscale-necessite-des-moyens/

Alexandre Derigny, secrétaire général de la Fédération des finances CGT
Fanny De Coster, secrétaire générale du Syndicat national des finances publiques CGT
Manuela Dona, secrétaire générale du Syndicat national des agents des douanes CGT

 

 

 

Le 2 juillet dernier, encore ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin a tenté une nouvelle fois de vendre, par voie de presse (Les Échos du 2 juillet 2020 [article payant]), les bons résultats de la lutte contre la fraude fiscale en 2019. Mais à y regarder de plus près, cette analyse est complètement faussée. Explications…

Des chiffres en baisse constante

Tout d'abord, le ministre oublie de mentionner les chiffres en baisse constante (depuis 2012) du nombre de vérifications approfondies et de contrôles, les constats et recommandations de la Cour des comptes dans son rapport remis le 2 décembre 2019, et les nombreuses difficultés dans le contrôle fiscal liées à la crise actuelle.

Dans ce rapport, la Cour des comptes pointait en effet « une diminution des résultats de la lutte contre la fraude ». Elle indiquait également que « cette évolution contraste avec celle observée à l'étranger, où les résultats du contrôle fiscal ont progressé au cours des dernières années et où les sanctions prononcées restent plus fortes qu'en France ».

D'autre part, ces résultats sont conjoncturels, car les affaires Google ne se renouvellent pas tous les ans.

Et ils mettent en avant des procédés de contrôle, comme le datamining (exploration des données), fort peu convaincants: le datamining, qui serait à l'origine de 22 % des opérations de contrôle fiscal, ne donne lieu en moyenne qu'à moins de 8 000 euros de redressement par dossier… Autant dire, moins que le plus pur des hasards.

Baisse des effectifs et des contrôles

Le satisfecit gouvernemental est donc contradictoire avec son plan massif de destruction du contrôle fiscal (suppression d'emplois, datamining inefficace et loi Essoc liquidant purement et simplement la fonction de vérificateur pour la transformer en conseil aux entreprises).

Conséquence de la baisse des effectifs de ces dernières années, le nombre de contrôles sur place par les professionnels (vérifications de comptabilité) a connu en France une forte diminution dans la période récente. Ils ont baissé de 20 % depuis 2013, pour un total de moins de 31 000 en 2019.

Le nombre d'examens de situations fiscales des particuliers (le contrôle approfondi des particuliers) a connu une baisse encore plus nette de 25 % pour un total de 3 134 contrôles en 2018. Sans parler de l'incapacité à s'adapter à la fraude liée au e-commerce.

Et ce n'est pas la création de services comme le service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF), sans création d'emplois, qui sera de nature à améliorer la situation.

Renforcer toute la chaîne du contrôle

À l'inverse, il est pour nous urgent et indispensable de renforcer toute la chaîne du contrôle, cela passe principalement par des moyens humains accrus afin d'accueillir et informer, gérer correctement les dossiers, mieux contrôler, assurer les missions contentieuses.

Il est urgent de donner des moyens juridiques, humains, de formation… suffisants pour lutter contre la fraude économique, fiscale et sociale, les atteintes à la loyauté des transactions commerciales et aux droits des consommateurs, les trafics illicites sous toutes leurs formes, ainsi que les montages financiers facilités par la permissivité de certaines législations fiscales, y compris en Europe.