Règlement Général de la Comptabilité Publique de 1962 : simple refonte ou mauvaise réforme ?

Version imprimableversion PDF

Le 3 mars dernier, la direction réunissait un groupe de travail avec pour ordre du jour un point d’étape sur la réforme du décret de 1962. A la demande de la CGT, un point sur la responsabilité des comptables a été rajouté.

Si les travaux sur la réforme du décret de 1962 ont été annoncés fin 2009, depuis cette date rien n’avait été présenté aux organisations syndicales. C’est donc peu de dire que cette réunion était attendue.

C’est pourtant sans surprise que la direction s’est appliquée à expliquer que ces modifications ne transformeraient pas les choses mais simplement apporteraient plus de sécurité juridique en permettant à certaines pratiques (Contrôle Hiérarchisé de la Dépense , contrôle partenarial, service facturier. article 39 et 40 du futur décret ) d’avoir une véritable assise dans les relations avec la cour des comptes. Toujours pour la direction, ces évolutions ont avant tout pour objet de s’appliquer à la sphère Etat.

Or c’est bien là une des évolutions fortes du décret : les plus importantes modifications concernent la partie générale de celui-ci. Elles s’appliqueront d’abord tant à la comptabilité de l’Etat, qu’aux Etablissement Publics de l’Etat et potentiellement à terme à l’ensemble des collectivités locales.

Dans ce cadre la nouvelle rédaction permet désormais de mettre en place le contrôle partenarial et/ou des services facturiers dans toutes les relations entre ordonnateur et comptable public. C’est bien cette dernière situation qui a été mis en place dans la sphère Etat et c’est bien les services facturiers que la direction entend mettre en œuvre à terme dans les relations avec les collectivités locales… car si aujourd’hui, à ses yeux, les choses ne sont pas encore mures, il s’agit bien d’un objectif ! Objectif expérimenté sous peu dans le cadre hospitalier avec le démarrage d’un service facturier auprès du CH de Clermont-Ferrand.

D’autant plus que dans la présentation développée par l’administration, les services facturiers préservent les rôles de l’ordonnateur et du comptable. L’ordonnateur décidant de la dépense et certifiant le service fait, le comptable devant effectuer l’ensemble des autres opérations. En clair, rien ne change et le principe de la séparation ordonnateur/comptable est donc bien respecté. Pour la CGT les choses ne sont pas si simples : la mise en place de service facturier transforme bien la chaîne de la dépense en déplaçant les curseurs du rôle de chacun avec une réalité encore plus forte dans le cadre de la relation avec les collectivités locales.

Or si le principe de la séparation ordonnateur comptable est bien réaffirmé, son contenu est lui bien différent de celui issu du décret précédent.

Dans le même temps, la direction introduit clairement dans le décret le CHD ; cette modalité de contrôle interne au comptable a été dénoncée par la CGT. En effet, depuis sa mise en place elle ne répond qu’à une seule chose : gérer la pénurie d’emploi.

Enfin parmi les nouvelles dispositions les plus importantes : il est clairement affirmé la possibilité pour un poste comptable de disposer de plusieurs comptes de disponibilités (article 46).

Même si le principe de dépôt de fonds des collectivités au Trésor est réaffirmé, la porte est désormais ouverte à la « DFTisation » des comptes. En clair, si le choix politique est pris de libéraliser les dépôts de fonds des collectivités vers des organismes bancaires, les outils seront disponibles !

Et c’est bien au final, l’analyse que l’on peut tirer de ce nouveau décret. Dans un premier temps, il peut apparaître comme réaffirmant les principes de bases et peut n’être utilisé que dans ce cadre pour consolider des concepts juridiques dans une écriture plus proche des canons actuels du droit… Mais il peut aussi se lire comme la mise à disposition d’outils pour l’avenir, outils qui pourront totalement transformer la réalité des missions et du contrôle des fonds publics.

La direction va poursuivre son travail de rédaction en présentant désormais son texte au près du Conseil d’Etat. A l’issue, et vraisemblablement à l’automne une nouvelle réunion aura lieu avec les organisations syndicales avant la publication d’un décret qui devrait être mis en œuvre en 2012.

Concernant la Responsabilité Personnelle et Pécuniaire du comptable public (RPP), la direction sur demande de la CGT a fait un point d’actualité sur ce dossier. L’amendement voté dans le cadre du projet de loi sur les juridictions financières qui prévoit une amende pour les comptables est toujours d’actualité.

La direction a rappelé son hostilité à cet amendement, et qu’elle continuerait à apporter aux parlementaires des éléments pour leur permettre de modifier le texte de façon éclairé afin de retirer cet amendement.

Pour le moment, le vote du projet de loi n’est pas à l’ordre du jour. Il convient cependant de rester vigilant pour l’avenir car le vote de ce texte aboutirait à une transformation totale de la responsabilité du comptable. En effet, cet amendement propose d’instaurer pour le comptable dont la responsabilité est mise en cause, une amende calculée en fonction de la gravité de la faute et proportionnelle au traitement du comptable concerné. Il s’agit alors clairement de remettre en cause le principe actuel fondé sur le jugement des comptes et non sur le jugement du comptable.

Pour la CGT, la notion de responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) du comptable doit être réaffirmée comme une garantie de la bonne régularité de l’emploi des fonds publics, de la sincérité des comptes et de l’indépendance et du positionnement du comptable vis-à-vis de l’ordonnateur.

C’est en ce sens que la CGT Finances Publiques est à nouveau intervenue dans ce groupe de travail. Cet amendement doit donc être retiré. La CGT interviendra pour que soit défendu l’exercice de la responsabilité du comptable, et plus largement pour que soient respectées les marques fortes de la spécificité de la comptabilité publique.