Responsabilité Personnelle et Pécuniaire du Comptable : ce que veut la Cour des Comptes, la DGFIP le fait !

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Au cours de la discussion parlementaire sur le PLFR 2011, un amendement déposé par deux députés a modifié le régime de la RPP des comptables. La DGFIP étant le principal réseau de comptables publics se trouve donc directement impactée par cette réforme.

L’objectif de cet amendement est de ne plus permettre désormais une remise gracieuse de la totalité du débet. Le texte est le suivant : « lorsque la responsabilité du comptable a été mise en jeu par le juge des comptes, il est proposé, d’une part, qu’aucune remise gracieuse totale ne puisse être accordée, sauf dans deux cas – le décès du comptable, que nous n’avions pas pris en compte, et le respect par le comptable, sous l’appréciation du juge des comptes, de règles de contrôle sélectif des dépenses –, et d’autre part, pour un montant minimal fixé par voie réglementaire qui est systématiquement laissé à la charge du comptable par le ministre chargé du budget. Et pour qu’il y ait une différence entre préjudice et non préjudice, il est proposé que ce montant soit fixé au double du plafond retenu pour une irrégularité n’ayant pas causé préjudice. ».

L’exposé des motifs de l’amendement indique que la réforme vise à préciser le régime de responsabilité. Actuellement, la responsabilité du comptable pouvait être engagée à hauteur du déficit constaté que celui-ci cause ou non un préjudice financier à la personne publique. Désormais, la réforme introduit une distinction entre les deux formes de débets. En effet, une distinction est donc faite entre les débets avec préjudice pour lesquels la responsabilité du comptable peut couvrir la totalité du déficit et les débets sans préjudice pour lesquels le débet est plafonné à une somme dépendant de la catégorie du poste comptable. Ce montant est fixé par décret. Dans cette limite, le juge des comptes décide alors du montant non rémissible laissé à la charge du comptable. En clair, dans ce cadre, la remise gracieuse ne pourra se faire que pour partie et une somme restera toujours à la charge du comptable. La DGFIP considère alors que face aux attaques contre le régime de responsabilité qui s’était matérialisé en 2010 par un amendement dont l’objet était de remplacer le débet par une amende personnelle et non rémissible calculée sur le traitement du comptable, il s’agit d’un moindre mal. Elle considère ainsi, avoir sauvé le régime de responsabilité personnelle et pécuniaire.

On peut effectivement donner acte à la direction générale que par rapport au premier amendement, son intervention a limité la portée d’une remise en cause totale de la remise gracieuse. Pour autant, ce n’est pas sans poser problèmes et interrogations.

La remise gracieuse permet au ministre de tenir compte des conditions d’exercice des missions dans l’étude des demandes qui lui sont présentées. Ces conditions d’exercice peuvent concerner autant les conditions matérielles (manque de personnels) que la situation spécifique du lieu d’exercice du comptable.

L’analyse de la CGT Finances Publiques est la suivante.

Premièrement, le montant qui restera à la charge du comptable sera indiqué par décret. A ce jour, nous ne connaissons pas les seuils qui seront retenus. L’analyse de ces seuils permettra alors de voir l’utilisation que le ministre et surtout la DGFIP fera de ce nouveau système. Dans ces limites, le juge des comptes décidera alors du montant non rémissible qui restera à la charge du comptable. En réalité, le caractère non rémissible (sauf en cas de respect du CHD, ou de décès du comptable- le débet étant transmissible aux héritiers hors procédure de succession) va conduire les comptables à devoir régler des restes à charge plus importants qu’actuellement.

Deuxièmement, se pose également le problème de l’assurance du comptable. En effet, en laissant des sommes plus importantes à leur charge, les cotisations de l’assurance des comptables peuvent connaître de fortes augmentations. Et rien aujourd’hui ne permet de dire comment l’AMF, assureur principal des comptables va réagir. D’ores et déjà, face à l’évolution de la sinistralité (laissé à charge des comptables) ces dernières années, soit plus de 20% en année pleine, l’AMF a engagé un processus de hausses régulières et sensibles des cotisations. Une nouvelle hausse de 5% est fixée pour 2012.

Troisièmement, et c’est un problème majeur, les conditions de fonctionnement des services, et les spécificités locales ne constituent plus un fondement permettant d’obtenir la remise gracieuse totale du débet. Ce qui était le fondement même de la remise gracieuse aujourd’hui n’a plus de réelle existence. Quatrièmement, il est clair que l’accession à la fonction comptable risque d’être freinée, Les réticences à devenir comptable risquent alors d’être renforcées.

De plus, l’accès à des fonctions comptables concerne l’ensemble des cadres A de la DGFIP (du grade d’inspecteur au grade d’AGFIP). La fonction comptable n’est donc pas une filière en tant que telle mais une fonction que l’on peut exercer ou cesser d’exercer au cours de sa carrière. Ne risque t-on pas alors un positionnement différent du comptable par rapport aux autres cadres ? L’objectif n’est-il pas à terme de créer un statut de comptable à part entière ?

Enfin, le jugement des comptes par la Cour ou les chambres régionales ne concerne que les comptes et en aucun cas le comptable même s’il supporte le débet. La remise gracieuse trouvait alors son fondement dans cette distinction en mettant en avant le caractère de puissance des missions exercées par les comptables. Sa minoration désormais ne sera pas sans conséquence sur l’évolution de la fonction de comptable.

Pour la CGT Finances Publiques, la suppression de la possibilité de remise gracieuse totale met en avant l’agent qui n’est plus considéré comme un fonctionnaire sous statut, même spécifique, mais plutôt comme un commis titulaire d’une charge dont il serait personnellement responsable. De plus si le comptable a une obligation de tenue des comptes, il n’a pas celle du résultat.

Avec l’amputation de la remise gracieuse, cela conduit désormais à faire supporter aux comptables les conséquences de contenu et d’organisation, les suppressions massives d’emplois dont seule la Direction Générale est responsable.

Cette réforme que la Direction Générale considère comme une bonne chose permettant la consolidation de la RPP est en fait un recul politique et une première concession faite à ceux qui depuis des années considèrent que cette exception française ne doit pas perdurer pour à terme imposer la mise en cause à titre personnel d’un fonctionnaire par une juridiction avec réparation financière à la clé.